Il est un peu magicien, un peu alchimiste, un peu artiste… il crée avec quelques morceaux d’acier de sublimes bijoux. Il est passionné, chercheur, bricoleur… son truc à lui, c’est le damassé.
Il, c’est Yves Moulin. Il habite une petite maison au cœur du Valais… Et certains jours, à l’orée de la forêt, résonne le bruit de sa forge et de son enclume. Le travail de l’acier, il l’a commencé tard, il y a 7 ans, un peu par hasard, avec une envie « père-fils » de créer des lames de couteau. Aujourd’hui, à 59 ans, il poursuit cette passion et cet art un peu obscur.
Derrière ces lunettes, il ressemble un peu à Géo Trouvetout! Et aujourd’hui, il partage avec nous la naissance d’un addon en acier damassé. Un travail qui mélange le côté brut de la fusion entre le métal et le feu avec la finesse du travail de finition d’une pièce d’exception. On y ajoute un soupçon de magie et le tour est joué!
Enfin presque… car le damassé demande de belles connaissances techniques et artistiques.
Mais qu’est-ce que l’acier Damas?
Le Damas nous vient du Moyen-Orient et d’Inde. Il consiste à créer un millefeuilles de fines plaques d’acier. Elles sont ensuite soudées dans une forge à basse température et sur une presse hydraulique pour être étirées de différentes manières afin d’obtenir un dessin décoratif.
En alternant 20, 40, 100 couches de deux aciers différents, le forgeron crée, à ce moment-là, toute la magie du Damas et sa structure. Et si l’on observe les tranches du lingot noirci par le feu à la sortie de la forge, on y découvre une structure ressemblant à des veines de bois.
Pour les addons mood, Yves Moulin assemble avec amour et précision un acier inoxydable et un acier contenant quelques pour-cent de carbone.
Je le vois, en lisant ces quelques lignes, grimacer, car lorsque nous parlons de lui et de sa technique avec nos regards de profanes émerveillés, il tient à préciser qu’il n’y a aucune magie là-dedans.
« Les métamorphoses des métaux m’ont toujours intéressés, ainsi que leur variété et la diversité de leurs propriétés. Malgré une formation qui n’a que des rapports éloignés avec le métal concret, j’ai petit à petit acquis des connaissances techniques et pratiques. C’est lors d’un stage dans un laboratoire Recherche & Développement en horlogerie que le déclic s’est produit. C’était un endroit merveilleux de découvertes en technique et en connaissances de micromécanique. J’ai acheté quelques machines et j’ai peu à peu acquis des compétences dans l’usinage du métal. »
Certes, il a raison, mais nous pouvons aussi y ajouter de la patience et de l’ingéniosité.
Mais revenons à la création de nos addons mood.
Une fois le lingot créé, Yves Moulin en découpe une tranche et l’étire pour en fabriquer une barre métallique rectangulaire d’environ 1m20. À ce moment-là intervient une deuxième étape de la création d’un damassé : la torsion de cette barre. C’est elle qui va permettre de créer des vagues dans le dessin.
« Le dessin est le fruit d’une part de hasard et d’un certain nombre d’opérations effectuées lors de la fabrication de la matière de base et lors du forgeage du bijou. Les variations du dessin et de la structure de la barre de Damas sont obtenues en jouant sur la composition chimique des aciers, le nombre de différents aciers, le nombre de couches et la géométrie des couches (épaisseur, disposition et motif de répétition). Après interviennent les déformations : avec des coups de marteau, on obtiendra une structure du type veine de bois ; avec une torsade du barreau, le motif sera très géométrique : formation de courbes et répétitions régulières. »
Cette fois, les dés sont jetés. Le dessin du Damassé est créé, il ne reste « plus qu’à » le transformer en anneau. Pour cela, la barre d’acier est tranchée à plusieurs reprises pour obtenir un segment d’environ 8 cm.
Retour sous la chaleur des flammes et sous les coups de marteaux d’Yves. Après quelques minutes, voici qu’un anneau épais et noir comme le charbon est déposé sur l’enclume. Attention, bas les pattes, la pièce est encore brûlante en son cœur.
Il faut maintenant joindre, par brasure, les deux parties de l’anneau. C’est un moment délicat, car pression et minutie sont de rigueur pour obtenir une jonction parfaite et belle.
Il reste maintenant la partie la plus fine du travail. Fini le chalumeau, le marteau, la scie, la presse hydraulique. Place au polissage et au traitement chimique de notre addon damassé. C’est le moment préféré de notre forgeron.
« Lors de la réalisation d’une bague, la métamorphose d’une pièce grossière, irrégulière et couverte de calamine noire en un anneau brillant et lisse, puis l’apparition du motif du damas, est tout simplement incroyable. »
Sur sa polisseuse, Yves crée l’espace intérieur de l’addon, celui qui reposera sur la base. Ici, on parle de quelques centièmes de millimètre de pression, il ne faut pas se rater. Le travail et le même pour l’extérieur… C’est troublant, car on dirait à ce stade encore une pièce d’argent, le damassé n’apparaît toujours pas. Pourtant la pièce est presque terminée.
Pour la suite, il faut sortir son manuel du parfait petit chimiste! Ah, on vous avait prévenu que la création d’un damassé avait un côté obscur.
Dans notre addon damassé, rappelez-vous, Yves a choisi un acier inoxydable ainsi qu’un acier comprenant un peu de carbone… ces quelques pour-cent suffiront à créer un tour de passe-passe.
L’addon est trempé quelques minutes dans de l’acide sulfurique dilué et chauffé. Et c’est cette opération qui va révéler le dessin du Damassé, car l’acier contenant le carbone va s’oxyder et noircir.
Tant pis, nous reparlons de magie, mais c’est vraiment un instant à part de voir apparaître le motif géométrique et ses courbes dansantes sur l’anneau.
Encore un peu de nettoyage et nous y sommes, l’addon mood damassé a vu le jour sous les doigts d’un forgeron métallurgiste, un peu chimiste et surtout amoureux de son art.
Et nous, nous sommes amoureux de cette magnifique technique et de ces pièces uniques et si particulières.